Damned First Day {PV Free

Et Norah était là, allongée sur le toit de l'internat de ce fichu bahut anglais. L'air de rien, ça lui avait manqué, ces petits instants de repos volés, à l'écart du monde des lycées boutonneux de Bristol. Pendant les vacances, elle n'était retournée à Philadelphie. Pourquoi l'aurait-elle fait? Plus rien ne l'attendait là-bas. Le seul moment propice à son retour aux Etats-Unis serait son entrée à Yale. Avant ça, pas besoin d'y remettre les pieds. Pas que le sol britannique soit plus accueillant, loin de là. Juste qu'ici elle avait deux ou trois connaissances sympatiques. Ce n'était plus le cas en Pennsylvanie. La Floride non plus n'avait jamais vraiment été son monde.
Evidemment, son père lui manquait. Sa gouvernante le manquait. Le soleil scintillant lui manquait. Les vraies plages de sable fin... Non, les plages de sable fin bondées de touristes, de personnes âgées et de pauvres idiots bronzés à la cabine UV ne lui manquaient pas. Loin de là. Ce qui lui manquait, c'était le Rittenhouse Square, s'allonger dans l'herbe avec son meilleur ami et rire des conneries du monde. L'Independance Park, s'asseoir sur un banc avec sa guitare et freudonner la première chanson qui lui verait à l'esprit.

La confiance et les véritables amitiés profondes lui manquaient terriblement. Mais elle était consciente qu'un lieu ne ramenait pas un passé oublié de tous. Alors, depuis deux ans et deux mois, elle s'allongeait sur ce toit, vissait les écouteurs de son baladeur dans ses oreilles et envoyait la musique. A cet instant précis, c'était Ocean City Girl d'Ivy. C'était une chanson relaxante, une de ces chansons qui vous font grandir l'âme lorsque vous les écoutez sereinement en regardant le ciel.

Norah souriait alors que ses paupières s'ouvraient et se fermaient lentement. Elle était un peu éblouie par la lumière que renvoyait le ciel à la terre. Mais elle se sentait bien. Il était environ onze heures et vingt-huit minutes. Sa pause déjeuner avait commencé depuis presque une demi heure et elle en avait encore pour une heure et demi. Elle avait pris dans son sac un sandwich qu'elle mangerait quand elle aurait assez faim pour ça. Pour le moment, elle profitait de la vie. Le recommencement des cours, l'idée d'avoir retrouvé ces personnes qui partageaient sa vie depuis déjà deux ans. C'était bon comme sensation. La chanson changea, pour Edge Of The Ocean, du même groupe. Une autre chanson calme, tranquille et relaxante. Un peu malgré elle, Norah se laissa envahir par la mélodie et commença à en freudonner les paroles à mi voix...

- Ohhh, we can begin again. Shed our skin, let the sun shine in. At the edge of the ocean, we can start over again.

Un profond soupir s'échapa de ses lèvres et elle sourit. L'instant était parfait.

Alors que l'intro de Such Great Heights de The Postal Service raisonnait doucement entre ses oreilles, Norah crut percevoir du mouvement autour d'elle. Elle leva la tête et ses soupçons furent confirmés. elle se redressa, un peu contrariée, pour observer la personne qui venait de prendre place à l'autre bout du toit. C'était un jeune homme que, malgré une mémoire incroyable, elle ne se souvenait pas avoir jamais croisé dans les couloirs. Il était plutôt mignon mais assez débrayé, l'idée même d'une brosse à cheveux ne semblait pas l'avoir effleuré depuis un bon moment... Mais il avait un visage accrocheur, quelque chose de particulier. Elle réalisa ensuite qu'elle le fixait effrontément et que ça ne lui plairait peut-être pas, mais c'était son problème après tout. Elle n'avait pas totalement compris le principe de la monarchie britannique mais on n'envoyait personne en prison pour avoir regardé quelqu'un avec insistance. Au bout d'un certain moment, il lui sembla que le garçon avait senti son regard et levé la tête pour la regarder à son tour. Elle ne détourna pas les yeux, mais lui lança un mince sourire. Finalement, elle n'était pas obligée d'être désagréable avec lui, le toit ne lui appartenait pas et s'il avait voulu s'isoler, lui aussi, il devait bien avoir une raison. De plus, il tenait une guitare près de lui, ça ne pouvait pas être un mauvais gars.

- Salut.

Lança-t-elle, sachant qu'il ne l'entendrait pas, puisqu'il avait lui aussi le baladeur vissé sur les oreilles. C'est pourquoi elle n'ajouta rien et préféra attendre sa réaction pour savoir si, oui ou non, elle enchaînerait en tentant des bribes de conversation.
S'il baissait le son et enlevait un écouteur de ses oreilles, elle parlerait, s'il ne marmonait qu'une rapide réponse, on ne répondait tout simplement pas, elle se rallongerait par terre et reprendrait ses occupations initiales.

L'air de rien, la solitude pesait un peu à Norah et même lorsqu'elle s'isolait de cette manière, elle n'était pas du genre à refuser un peu de compagnie, loin de là.

Son sourire s'élargit et Norah se leva, jetant nonchalament son sac par dessus son épaule pour rejoindre le garçon de l'autre côté du toit. Elle vint s'asseoir à côté de lui, pas trop proche tout de même, Norah avait une grande idée de "l'espace vital" necessaire à chaque être humain et pour elle, la proximité spontané des inconnus était souvent synonime d'agression. Autant ne pas brusque ce pauvre garçon le jour même de la rentrée. D'autant qu'il avait l'air particulièrement fatigué.

- Norah Richardson. Se présenta-t-elle tendant la main pour le saluer. Tu es nouveau, n'est-ce pas? Lui demanda-t-elle ensuite, plus pour s'assurer qu'elle n'avait pas perdu la tête que par curiosité.

N'ayant pas pu trainer son meilleur ami, Andrew, jusqu'en Angleterre avec elle, Norah avait passé beaucoup de temps seule dans les couloirs du lycée. Elle avait eu l'opportunité de scruter, analyser et graver dans sa mémoire, chaque visage et particulièrement, il fallait l'avouer, les visages masculins. Soit elle ne l'avait jamais vu, soit elle avait sérieusement besoin de dormir.

Elle éteignit à son tour son baladeur et le rangea au fond de son sac là où personne ne pourrait le lui voler. Sa musique c'était sa vie maintenant qu'elle n'avait plus son Andy. Ca et les séries télés qu'elle dévorait en solo dans son studio. Pathétique? Un peu. Sans doute. Mais c'était comme ça avec Norah. Elle pouvait être extrêmement sociable un jour et le lendemain refuser tout contact avec le monde extérieur. Un petit bouclier de solitude, pour cacher quoi? Comme on dit, "L'égoïsme aspire à la solitude pour échapper à la dépendance." Norah se cachait de tout le monde pour être sûre de n'avoir besoin de personne.

Première hypothèse vérifiée, ses mains osseuses lui servaient plus que sa brosse à cheveux pour organiqer sa tignasse.
Deuxième hypothèse vérifiée, un bon matelas serait loin de faire du mal à ce jeune homme.

Après avoir sagement écouté la dernière question de Josh, Norah aussa les épaules. Elle avait, selon les jours, soit l'impression d'avoir passé une éternité dans ce trou soit de n'y être restée que quatre minutes maximum. Mais la réalité avait le pouvoir de dater précisément les évènements. Quelle merveilleuse invention que les dates et les heures!

- Depuis la seconde. Ca fait donc... Deux ans et demi. Mais n'espère pas m'utiliser pour te faire des amis, je ne suis pas une gentille petite meneuse de claques! J'connais peu de gens, quand on y pense...

Pas besoin d'en raconter plus. Il aurait été idiot et profondément égoïste de penser que ce garçon, qui ne la connaissait pas, avait la moindre envie d'entendre parler de sa vie, son passé et les longues journées de solitude à observer, avec un mépris grandissant, la populasse grouillante de lycéens immatures entre les murs moisis de Round View. Norah sourit, un peu gênée. Elle s'en voulait de prendre de haut les élèves du bahut. Ce n'était tout de même pas leur faute s'ils étaient ici. Tout le monde avait envie de faire passer ces trois années aussi vite que possible et d'oublier l'acné et la virginité bien rapidement et fermant définitivement la porte de l'enseignement secondaire. Mais elle ne pouvait s'empêcher de leur en vouloir un peu à tous de ne pas être plus... Américains?

- T'es pas d'ici, hm? T'as un accent encore plus bizarre que les british... Rit-elle doucement, espérant ne pas le froisser. Par 'bizarre', elle n'entendait pas mauvais. Juste différent. Et, franchement, tout ce qui était différent de l'accent pompeux et lourdaud des britanniques pur souche, ne pouvait être que bon! Peut-être même, si elle avait un peu de chance, que lui aussi disait "appartment" au lieu de "flat" et "vacations" au lieu de "holidays"... M'enfin, elle était consciente que les chances étaient assez minces...

Norah hocha la tête avec enthousiasme.

- Oh oui! Ca, c'est un truc que ce lycée ne m'enlèvera pas. Ajouta-t-elle avec une amertume un peu mal dissimulée.

Son estomac gargouilla et elle grimaça avant de sortir de son sac un paquet de chips salés.

- Sert-toi. Murmura-t-elle. Je prend toujours trop à manger le midi, ça m'évite de cuisiner le soir, je mange les restes.

Elle s'arrêta net, les yeux dans le vague et se fit la réflexion que ce qu'elle racontait était clairement inutile et qu'il la prendrait pour une idiote ou une folle, au mieux. Mais, après tout, autant s'accepter tel qu'on est...! Même avec une cas en moins.

- Tu ne devrais pas m'écouter, ajouta-t-elle en sortant de son sac une bouteille d'eau-cassis d'un littre cinquante. ca m'entraine à parler et tu vas finir par m'entendre raconter toute ma vie. N'hésite pas à me le dire quand tu en as assez que je déblatère.

Elle lui sourit chaleureusement. C'est drôle de voir comme quelqu'un qui parle peu vous entraine, le voulant ou non, à raconter vous-même votre vie. Quelqu'un qui ne se dévoile pas devient automatiquement soit votre pire ennemi, soit votre meilleur ami, selon la façon dont vous décidez qu'il sera. C'est ça quio vous fascine chez les personnes "mystérieuses", ce que vous imaginez d'elles. Norah était consciente de cela et se méfiait un peu, même si ce n'était pas vraiment dans son tempérament. Elle décida donc de cesser de raconter sa vie, pour s'assurer de ne pas trop en dévoiler.

- T'écoutes quoi comme musique?

Le sujet le plus bateau de la planète. Mais aussi le plus passionnant. n'est-ce pas?

- Hm... Marmonna-t-elle, posant sa main sur ses lèvres, le temps d'avaler une bouchée. Même réponse. Sensiblement. Je tire un peu vers la pop ces derniers temps. Avec une forte tendence à écouter de la musique commerciale. Mais, je pense que c'est pas parce que ça fait vendre que c'est moins joli. Death to the haters!

Elle brandit son poing comme une militante pro-musique commerciale. Norah avait suivi quelques cours d'économie. Très peu, mais assez pour décider que le commerce était une bonne chose. Où est le mal à vendre des millions d'albums remplis de chansons mielleuses? Ce n'est pas parce qu'un artiste est en contrat avec Hollywood Records que ce qu'il fait est mauvais. Les chansons sont juste celles d'hommes et de femmes de l'ombre grassement rémunérés pour laisser des personnes à la voix attirante chanter leurs textes. Tant que personne n'était exploité, l'industrie du disque pouvait très bien continuer comme ça.

- Ton groupe préféré? Demanda-t-elle encore entre deux chips.

Pas qu'elle soit vraiment si curieuse, mais la musique tenait la place la plus importante dans le coeur de Norah, aussi était-ce le premier sujet de discussion qui lui vint à l'esprit. Et puis, elle avait envie de faire parler Josh. Il ne semblait pas vraiment sociable et ça c'est généralement mauvais pour le moral. S'il pouvait y avoir un dépressif de moins à Round View, tout le monde ne pouvait que s'en sentir mieux.
Et puis quoi? Il était simpa quand même ce gars là. Et s'il répondait à ses questions c'était qu'il le voulait bien. Et j'ai complètement oublié la fin de mon raisonnement. Mais au moins, s'il veut bien répondre on est sûrs que ça ne le dérange pas tant que ça de discuter avec Norah!

Norah lâcha un petit rire d'enfant. Oui, bon, d'accord, de la musique commerciale, mais pas tout le temps quand même!

- Je ne sais pas vraiment... J'aime beaucoup McFly et Taylor Swift, je sais que ça n'a rien à voir. Good Charlotte aussi et Panic! At The Disco... Les Jonas évidemment et... Il y a un artiste que j'affectionne tout particulièrement... C'est Mika.

Elle rougit, espérant qu'il ne le voit pas. L'importance de Mika dans la vie de Norah était bien plus grande que ce que l'on pouvoit croire, bien plus forte que ce qu'elle ne laissait paraitre. Un peu comme le remède caché d'un mal secret enfouit au fond d'elle.

- Sa musique rend les gens heureux.

Elle but une longue gorgée d'eau-cassis en chechent activement un autre sujet de discussion... Qu'elle ne tarda pas à trouver.

- Tu reprends les cours à quelle heure? Tu suis quels cours au fait? Moi j'suis en Littérature, Anglais, Histoire et Théâtre.

Elle haussa nonchalamment les épaules. Aux Etats-Unis le système éducatif était différent, pas plus chargé mais différent. Ici elle avait l'après-midi pour elle, à partir de 15 heures, comme tout le monde et passait son temps aux théâtre. Elle espérait pouvoir intégrer, en rentrant chez elle, la troupe rattachée au Kimmel Center For The Performing Arts, à Philadelphie. Elle savait qu'ils ne prenaient que les meilleurs éléments et elle travaillait dur pour être à noveau. Fort heureusement, Shakespeare avait fait de l'Angleterre un pays grandement réputé pour ses talentueux acteurs et dramaturges.

- J'reprends avec Litté. Dans un heure aussi.

Elle tira son sac derrière elle et sallongea sur le sol, la tête posée dessus. Elle réfléchit une seconde avant d'enchaîner.

- T'es pas en Terminale, sinon je t'aurais vu ce matin en Anglais.

Elle repensa à ce qu'il avait dit. Alors il avait pris l'option physique? Norah, pour sa part, n'avait pas encore d'option. Pas qu'elle ne voulait pas en prendre. Plutôt qu'elle voulait se laisser le temps de choisir. Elle sourit en repensant aux cours de physique qu'elle avait suivis à Philadelphie. l'idée de Monsieur Smith (alias Smitty pour les intimes muahahah) lui arracha même un petit rire.

- J'aimais bien la physique. j'avais même de bonnes notes. Plutôt dans la partie chimie en fait. J'aimais bien les équations, tu sais? Quand tu as deux molécules et que tu dois égaliser... enfin, c'est loin pour moi, je suis incapable de me souvenir de comment ça s'appelle. Le prof m'aimait bien aussi.

Elle sourit. Ce pauvre Monsieur Smith avait été la risée de tout le collège à cause de sa corpulence et de son accent africain prononcé et pourtant il était vraiment sympa, quand on évitait de l'embêter tout le temps. Norah n'était pas à proprement parler une bonne élève et elle n'avait jamais ouvert son livre de Physique-Chimie. Mais elle avait l'esprit logique qui sert beaucoup dans cette matière et elle suivait en cours, ce qui n'avait pas été le cas de tout le monde.

- Si j'avais voulu rester seule, je serais déscendue du toit depuis longtemps, sourit-elle amicalement. Pour mon option, j'ai eu drit à un délai parce que je voulais en changer. J'avais pris Maths l'an dernier parce qu'on m'avait dit que c'était plus simple. Mais au final je suis et resterais une nullitée totale en mathématiques. Là j'hésite encore. Je voulais prendre une langue vivante en plus. Espagnol, Allemand... Tu as dit que tu faisais français, non? C'est sympa comme langue? Il parait que c'est super compliqué mais j'ai écouté des chansons françaises et j'ai trouvé ça joli. Tu connais... Euh... C'était Renan quelque chose... Je ne me souviens pas bien de son nom mais le titre c'était "le fille de la bande" et d'autres aussi. Elles sont jolies ses chansons à lui. C'est toujours sur une base de guitare accoustique... J'aime bien.

Elle se tut un instant. Juste pour ne pas parler pendant des heures et monopoliser la conversation. Elle se souvint alors de la question du jeune homme au sujet de l'hospitalité des élèves de Round View.

- Je ne sais pas si tout le monde est aussi accueillant que moi. Je ne pense pas être vraiment à part, mais ce qui est évident c'est que si tu t'isoles sur le toit avec ta guitare dès que t'as un peu de temps libre, tu vas pas croiser beaucoup de monde qui soit prêt à te faire visiter le bahut.

[Merci pour la photo ^^]

Norah ne put s'empêcher de rire en l'entendant parler français avec cet accent à couper au couteau. C'était vrai, à ses yeux, que le français était une belle langue, plutôt rigolotte à écouter aussi. Elle le regarda s'éloigner puis revenir s'asseoir et une petite idée un peu farfelue lui traversa l'esprit. Elle se redressa avec un air de chipie dans les yeux et lui adressa un large sourire complice.

- Apprends-moi à dire des trucs en français! Si tu veux bien... Comme ça je verrais si c'est fun et si je peux prendre ça.

Elle savait qu'elle avait des facilités en langues vivantes et elle ne doutait pas vraiment d'être capable d'apprendre le français aussi bien qu'elle avait appris l'espagnol. Juste qu'elle était un peu partisane du moindre effort donc... Elle hésitait. De plus elle avait entendu parler de déclinaisons en allemand et franchement, le coup d'apprndre par coeur des pages entières de verbes irréguliers c'était vraiment, mais vraiment pas son truc...

Josh. Donc, pour commencer, "what's your name ," c'est : "comment t'appelles-tu?",vas-y, à toi maintenant.

Norah toussota et se concentra très fort sur ce qu'il venait de dire.

- "C... Commont t'appelles tou," C'est ça? Roh ça doit être horrible... Grimaça-t-elle.
Josh. Tu t'en sors pas mal pour l'instant.
- Tu vois? Tu ris, j'ai du dire n'importe quoi... c'était horrible c'est ça? Redis-moi comment ça se prononce! s'il te plait, Josh.

Une enfant de quatre ans. Cinq, tout au plus. A cet âge là, on est avide de connaissance... Oui, ben Norah n'a pas vraiment mûri depuis... Disney Channel, les princesses et les chevaliers, le père Noël, la petite souris... Mais Andrew disait que ça faisait partie de la barge-attitude qui faisait son charme. Et ça semblait être avéré.
Elle pinça les lèvres pour se concentrer encore sur la même phrase et s'essaya à nouveau au français.

- "Comment t'appelles tou?" C'est mieux là, non? Je vais y arriver!

- T'étais pas obligé de décomposer mon prénom, je sais le prononcer depuis des années, fit-elle remarquer dans un éclat de rire.

Bien vite, elle s'arrêta de rire et reprit tout son sérieux. Elle se redressa, relevant le menton et se repassa en boucle dans la tête la phrase que venait de prononcer Josh. Elle était presque sûre de pouvoir la prononcer correctement. Celle-ci lui semblait moins compliquée que la précédente. Toujours pas vraiment simple, mais plus évidente.

- "Je... M'appelle... Norah!" J'ai réussi?! Demanda-t-elle dans un sursaut d'impatience.

Elle le vit rire encore, mais ne s'en offusqua pas cette fois. Elle répéta la phrase plusieurs fois pour quelle commence à lui venir plus facilement.

- "Je... m'appelle Norah." hum "Je m'appelle Norah!" C'est le même mot, "appelle"? M'enfin c'est bizarre comme phrase. Ca ressemble pas... Ca veut dire quoi précisément "appelle"? J'aimerais pas être française... T'imagines? Tout petit tu dois apprendre une langue super étrange... Après t'as déjà tout gagné dans la vie!

Elle n'était pas vraiment sérieuse, évidemment. Toutes les langues semblent étranges d'un point de vue extérieur. Elle le savait bien. En tout cas cette langue là lui semblait plutôt amusante et si elle pouvait demander (occasionellement) l'aide de Joshua en cas d'incompréhension totale, c'était une bonne chose... Sans doute.

- Tu crois que je devrais prendre ça comme option?

Josh. "Appeler" veut dire "call" sauf que nous on dit : "mon nom est"
- "Appeler"..."M... Mon... nom... est" répétait-elle à boix basse en même temps qu'il parlait, sans pour autant cesser de l'écouter religieusement. Oh tu veux dire que les français disent comme quand on parle d'un lieu? "It's called Philadelphia..."? C'est ça? Quels petits filous ces français!

Elle rit et pensa sérieusement à cette idée. Pourquoi ne pas prendre français? Comprendre les chansons, les films, pouvoir lire des bouqins écrits par des français en version originale et... Le rêve, l'apothéose de la vie d'une serial shoppeuse comme Norah... FAIRE LES BOUTIQUES A PARIS! Ca pouvait s'avérer génial! Et puis, pour quelqu'un qui se destine à une carrière de comédienne, savoir parler la langue de Molière ne pouvait être qu'un avantage...

Josh. Tu t'en sors super bien, alors oui, si tu te sens assez courageuse pour la faire, ne te gêne pas, tu sais que tu pourras avoir un professeur particulier au cas où
- Super! Je crois que je vais faire ça. J'irais voir la directrice à la fin de la journée.

Elle remarqua alors qu'il s'était crispé. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois depuis qu'ils avaient commencé à discuter. Mais il semblait évident qu'il cherchait à cacher son mal aise. Aussi elle faisait semblant de ne rien voir.
Elle se ralongea sur son sac et sortit son sidekick de sa poche pour regarder l'heure.

- Noooon... Plus que vingt-cinq minutes avant l'attaque du monstre de la littérature britannique! Gueuaaaaah! Cachez-vous sous vos pupitres le crapeau se prépare à entrer dans la place!